CHAPITRES

Introduction

Dans une période temps relativement courte, l’Espagne devra aborder le démantèlement du parc nucléaire tel que nous le connaissons aujourd’hui. Actuellement, en Espagne, il y a cinq centrales nucléaires en activité : Ascó (I et II), Almaraz (I et II), Cofrentes, Vandellós (II) et Trillo. Le processus de démantèlement est en cours, à différentes phases dans les centrales de José Cabrera (Zorita), Vandellós (I), Santa Maria de Garoña. En 2021, il est prévu de commencer le démantèlement de la CN Almaraz I, en 2023 la CN Almaraz II et la CN Ascó I, en 2024 la CN Cofrentes, 2025 la CN Ascó II, la CN Vandellós II en 2027 et la CN Trillo fermerait le cycle en 2028.

Ce processus de démantèlement implique une série d’opérations industrielles spécialisées et à la fois une opportunité d’affaire pour les entreprises spécialisées dans le traitement des déchets industriels. Il faut tenir compte qu’indépendamment des déchets et des installations ayant une charge radioactive élevée (déchets à grande activité et éléments activés), il y aura une autre partie avec des éléments aptes à entrer dans les circuits industriels comme l’acide borique des systèmes auxiliaires. Un problème découlant de la caractérisation radiologique des matériaux candidats au déclassement, c’est la difficulté de mesurer les concentrations de radionucléides pour les niveaux d’activité très faibles, ce qui oblige à développer des systèmes de mesure extrêmement sensibles. En Espagne l’émetteur de la licence de démantèlement est le Ministère de l’Industrie, après avis favorable du CSN et du Ministère de l’Environnement, l’autorité du processus de démantèlement étant l’ENRESA.

Le type de stratégie de démantèlement a un impact sur le volume de déchets générés et le type de déchets générés, ainsi que sur le moment où ceux-ci doivent être gérés.

En laissant de côté, pour sa spécificité et importance le déchet à haute activité, provenant essentiellement du combustible épuisé, on peut envisager les niveaux de fermeture suivants :

Niveau 1 : Volume des déchets peu significatif.
Niveau 2 : Grand volume de déchets à Moyenne et Faible activité.
Niveau 3 : Grand volume de déchets à Moyenne/Faible et Grande activité provenant du matériau activé par le fonctionnement du réacteur ainsi que des blindages biologiques.

niveaux-du-processus-de-demantelement

Niveaux du processus de démantèlement

Le processus de démantèlement d’une centrale nucléaire qui a finalisé son cycle de vie opérationnelle se divise de manière générique en trois étapes :

Niveau 1. Processus de fermeture sous surveillance de l’installation, après avoir déchargé le combustible et évacué de la centrale le combustible et les déchets radioactifs de l’opération (mothballing en anglais).

On procède au retrait des éléments combustibles irradiés, barres de contrôles et effluents liquides activés. On maintient la barrière physique du circuit primaire comme élément de protection. Les parties avec le niveau le plus élevé de radiation se trouvent dans la zone du cœur du réacteur. On maintient ce bâtiment sous contrôle de protection radiologique, et le processus d’accès se fait sous contrôle par dosimétrie.

Le Déchargement du combustible constitue la première activité à faire, une fois la Centrale arrêtée définitivement. Bien qu’en réalité il ne s’agisse pas d’une activité de démantèlement, souvent elle le conditionne, en fonction de l’existence ou pas d’installations de réélaboration de combustible ou de stockage. S’il n’y a pas ce type d’installations, le stockage dans les piscines de la centrale ou dans d’autres installations, créées à cet effet, peut être nécessaire (entrepôts individualisés), un fait qui peut conditionner en grande mesure le démantèlement. On procède au scellé des soupapes, points de connexion, joints, etc.

L’un des éléments essentiels dans cette étape 1, c’est la réalisation d’un inventaire radioactif. La connaissance de l’inventaire quantitatif et du type de radionucléides existants dans l’installation au moment de l’arrêt, est essentielle pour planifier l’exécution du démantèlement, concernant des aspects comme :

  • Classement radiologique des matériaux provenant du démantèlement. .- Détermination des facteurs de décontamination.
  • Estimations des déchets qui vont être générés.
  • Estimations des doses que peuvent recevoir les employés.
  • Besoins de blindages, etc.

L’inventaire radioactif du site une fois retiré le combustible se divise en deux catégories :

  • Radioactivité due à l’activation neutronique des éléments du réacteur.
  • Contamination radioactive déposée superficiellement à l’intérieur et à l’extérieur des systèmes qui ont été en contact avec les fluides radioactifs à grande activité.

Les principaux produits de la fission à longue durée de vie sont : (CS-137 et Sr-90). Le (Co-90, Fe55, Ni-59, Ni-63), qui sont les principaux composants des produits de la corrosion, activés. Dans le béton, les radio-isotopes les plus importants sont l’Eu-152 et l’Eu-154 (vie moyenne de 13 et de 8,8 ans). Le C-14 est un radio-isotope à longue durée de vie (une période de 5 700 ans), mais la radiation béta qu’il émet est d’une faible énergie et il ne constitue donc pas un risque de radiation, même s’il faut en tenir compte pour le stockage des déchets.

Les études disponibles indiquent que l’activité résiduelle totale due à l’activation de composants et de structures du réacteur est bien plus élevée que la contamination déposée dans les systèmes, équipements et bâtiments extérieurs du réacteur. La première ampleur peut atteindre une valeur de 2.1017 Bq pour une centrale d’eau légère de 1.100 MWe, immédiatement après l’arrêt, tandis que la contamination superficielle peut osciller entre 1011 et 1014 Bq. Le risque d’irradiation par radiation et la contamination corporelle par incorporation de radionucléides dans l’organisme sera l’un des principaux soucis.

Dans ce processus il faut tenir compte de la durée de vie moyenne des différents isotopes, pour comprendre que dans certains cas (isotopes à durée de vie moyenne), ces éléments cesseront d’être un problème radiologique. Par exemple, l’activité du Co-60 se réduit d’un millième en 50 ans. En tenant compte de la radiation gamma émise par le Co-60, la présence d’activités importantes de cet isotope, responsable en grand partie des doses d’exposition, peut limiter de manière importante l’accès aux personnes dans certaines zones de l’installation et augmenter considérablement le volume des déchets générés pendant l’opération de démantèlement. À partir de 50 ans, l’activité des isotopes à longue durée de vie, comme le Ni-63 et le Nb-94 commence à prédominer, et l’inventaire radioactif se réduit, très lentement. C’est pourquoi remettre à plus tard le démantèlement présente peu d’avantages en ce qui concerne la protection radiologique. L’étape 1 se caractérise par un programme d’inspection spécifique

Niveau 2. Élimination des éléments radioactifs, extérieurs à l’enceinte de confinement, ainsi que des structures et éléments traditionnels. Les éléments à plus grande activité spécifique resteront stockés et scellés dans l’enceinte de confinement. Le bâtiment de confinement peut être enterré ou pas ; l’emplacement reste disponible pour être utilisé avec des restrictions (entombing, en anglais).

La barrière physique que constitue le circuit primaire est réduite à sa dimension minimum. On procède au retrait, de manière progressive et sous contrôle radiologique, des parties plus facilement démontables et on contrôle les scellés. Si nécessaire, on interpose une barrière de protection biologique. Le bâtiment de confinement, après étude radiologique, peut être éliminé partiellement et les matériaux qui ne présentent pas d’activité peuvent être réutilisés. On procède à la décontamination des zones libérées. La surveillance diminue, mais on procède à des vérifications périodiques programmées.

Niveau 3. Démantèlement total y démolition des structures, en restituant à l’emplacement un usage sans restrictions (dismantling, en anglais). Il se caractérise par le retrait des éléments encore présents dans la zone de la centrale et qui présentent des valeurs élevées, concernant le fond radioactif naturel. Les niveaux de radiation présents doivent être autorisés. La zone doit rester libre pour son utilisation pour d’autres activités industrielles.

Aspects légaux

Sur le plan légal, on établit les limites à partir desquelles est fixée une limite d’activité, pour les matériaux contaminés. C’est pourquoi les matériaux contaminés qui n’ont pas un usage prévu ultérieurement, seront considérés comme des déchets radioactifs, et ils peuvent être gérés conformément à la réglementation applicable.

En ce qui concerne la réglementation qui régit cette activité, le Décret Royal 783/2001, du 6 juillet, approuvant le Règlement sur la protection de la santé contre les radiations ionisantes, pour les déchets radioactifs, établit les normes sur leur stockage, sur l’évacuation des effluents et déchets solides dans l’environnement (uniquement avec une autorisation expresse), et fixe le régime de sanctions pour ses non-respects, parmi lesquels ceux concernant l’absence de systèmes appropriés pour le stockage, le traitement et, s’il y a lieu, l’évacuation des effluents et des déchets solides ou les avoir évacués sans autorisation ou en dépassant les niveaux autorisés pour l’émission.

Dans l’Instruction IS-05, du 26.02.03, du CSN, sont définies les valeurs d’exemption pour les nucléides selon ce qui est établi à l’Annexe I du Décret Royal 35/2008 (RINR).

Le Décret Royal 1349/2003, du 31 octobre, sur l’aménagement des activités d’ENRESA, et son financement, recueille dans une seule norme toute la législation existant auparavant à ce sujet, en l’abrogeant soit partiellement ou en totalité. Ainsi, sont fixées à nouveau les missions d’ENRESA, parmi lesquelles :

  • Établir des systèmes pour recueillir, transférer et transporter des déchets radioactifs.
  • Traiter et aménager les déchets radioactifs. Rechercher des emplacements, concevoir, construire et exploiter les installations nécessaires au stockage temporaire et définitif des déchets radioactifs.
  • Gérer les opérations concernant le démantèlement et la fermeture des installations nucléaires et radioactives.
  • En dernier lieu, établir les formes (contrats) de lien entre ENRESA et les titulaires des installations nucléaires et radioactives, ainsi qu’établir les mécanismes de financement d’ENRESA.

Indépendamment des références ci-avant, bien qu’il ne s’agisse pas d’une norme réglementaire, il existe le « Protocole sur la collaboration dans la surveillance radiologique des matériaux métalliques », de novembre 1999, d’une importance capitale à cause de ce que cela implique concernant la réglementation des installations et activités potentiellement génératrices de volumes de déchets radioactifs non négligeables, en cas d’incidents.

Ce protocole est accompagné d’une Résolution de Transfert générique à ENRESA des matériaux radioactifs, détectés ou générés, pour leur gestion comme déchets radioactifs. Celui-ci fixe les niveaux d’exemption en-dessous desquels leur gestion comme déchets radioactifs n’est pas nécessaire et les niveaux de recherche, en cas d’incident.

Processus de gestion des déchets dans le démantèlement

Le principe essentiel de gestion consiste à établir des niveaux d’activité qui permettent le classement des matériaux provenant du démantèlement dans des groupes ou catégories bien différenciés, à chacun desquels s’applique un système spécifique de gestion. L’un des aspects qui méritent d’être mis en relief dans le démantèlement des centrales nucléaires est la gestion du grand volume de déchets générés. À cause des particularités des différents bâtiments qui représentent l’environnement d’une Centrale Nucléaire, une grande variété de matériaux se produit au cours du processus de démantèlement qui peut être l’objet d’une utilisation postérieure. Le volume des déchets qui doit être traité et stocké diminue avec le temps, à partir de la fin de l’opération. Par conséquent, également dans le but de réduire le volume des déchets radioactifs générés, il peut être utile de retarder certaines étapes du démantèlement.

Typologie des matériaux : Conformément aux critères de protection radiologique les matériaux générés dans un processus de démantèlement, se divisent en différents niveaux d’activité. Les niveaux d’activité (qui doivent être autorisés par un Organisme de régulation) permettent de cataloguer les matériaux dans les groupes suivants :

a. Matériaux traditionnels, ceux dont l’activité est en dessous du seuil autorisé.

  • Matériaux métalliques des équipements et structures objet du démantèlement.
  • Bétons et déblais des zones contaminées.
  • Câbles électriques, conduits métalliques, tuyauteries métalliques.
  • Autres équipements du démantèlement de matériaux divers.
  • Déchets découlant des travaux de démantèlement (déchets secondaires), comme : Déchets technologiques produits par les équipements d’intervention.

b. Matériaux faiblement contaminés susceptibles de déclassement. En primer lieu on détermine l’activité des différents éléments et on procède à leur caractérisation et ségrégation. Si nécessaire, on procède à leur décontamination. Une fois réalisé le processus, on détermine la nouvelle valeur de l’activité et à sa comparaison avec la valeur seuil. Si les valeurs sont conformes aux recommandations radiologiques, les déchets sont déclassés et gérés à travers les méthodes traditionnelles (utilisation libre ou destinations autorisées).

c. Déchets radioactifs formés par les autres matériaux contaminés. Les déchets radioactifs seront soumis à des processus de caractérisation radiologique et de caractérisation physique et chimique. Une fois caractérisés en déchets à activité élevée, faible ou moyenne, on procèdera à leur ségrégation et traitement spécifique. Les déchets solides découlant du traitement des effluents liquides et gazeux générés par les opérations de démantèlement et de décontamination, seront caractérisés et l’on procèdera à leur inertage ou localisation dans un emplacement individualisé. Les déchets radioactifs, seront soumis au processus de : caractérisation radiologique, ségrégation et stockage (temporaire), traitement et aménagement selon leur nature et conformément aux contraintes d’acceptation du Centre de Transport et évacuation au Centre de Stockage. Les effluents radioactifs (liquides et gazeux) générés pendant le démantèlement seront soumis à divers traitements selon leur nature (filtrage, échange ionique, etc.), avant leur déversement contrôlé, les limites et les contrôles autorisés pour chaque Installation étant applicables.

Le Tableau ci-après indique des exemples des estimations du volume de déchets à Faible et Moyenne activité générés par divers types de réacteurs, à la fois dans les opérations de démantèlement et pendant l’opération.

Allemagne Suède USA
Puissance Réacteur PWR 1.200 MWe 900 MWe 1.000 MWe
Déchets opérationnels (m3) 40.000 6.300 21.700
Démantèlement (m3) 16.300 7.000 15.200
Total (m3) 56.300 13.300 36.900

(Source : Rapport de l’Agence pour l’Énergie Nucléaire de l’OCDE – Paris 1986)

On peut estimer que du total des ferrailles métalliques découlant d’un démantèlement (Niveau 3) d’une centrale de 1.000 MWe, 50% sont potentiellement réutilisables. En outre, des 180.000 t de béton qui en découleront, 13.500 t seraient potentiellement contaminées et 4.700 t potentiellement activés.

Philosophie du démantèlement

Actuellement, il existe deux philosophies limite de démantèlement parmi lesquelles on peut adopter différents justes milieux. Le démantèlement et la fermeture d’une centrale nucléaire suppose un coût important pour la société et génère des bénéfices (libération de l’emplacement et élimination des risques potentiels inhérents) qui sont difficilement quantifiables, sauf si on les valorise comme des biens rares lorsqu’on en aura un besoin impérieux. En premier lieu, il existe la philosophie qui s’applique au Royaume Uni. Au Royaume Uni le processus de démantèlement commence par le niveau 1 de fermeture d’une durée de 30 ans, passée cette période commencera le Niveau 2, ayant pour résultat « l’enterrement » des structures rémanentes de la centrale qui demeureront ainsi pendant 100 ans de latence, pour réaliser un démantèlement de Niveau 3, 130 ans après l’arrêt de la centrale. Cette façon de traiter le problème prolonge dans le temps le problème et réduit la charge radiologique subie par les opérateurs, pendant le processus de démantèlement, en utilisant la propriété de l’affaiblissement radioactif. Des techniques pratiquement manuelles seront utilisées. Les provisions économiques de date d’arrêt seront faibles, si l’on maintient un niveau d’intérêt réel positif. On peut déduire rapidement l’inconvénient qui est que l’emplacement est hypothéqué pendant très longtemps, la gestion et le stockage définitif des déchets sont inexistants et les risques inhérents à l’installation, bien que faibles, demeureront à long terme en latence, ainsi que leur impact environnemental potentiel. L’autre philosophie de démantèlement concerne le Japon. Le démantèlement se produit de manière pratiquement immédiate, en conduisant le processus à un niveau 3 de fermeture. L’emplacement est libéré immédiatement et on élimine rapidement les risques inhérents. En revanche, les risques radiologiques dans le processus de démantèlement sont élevés. À cause du niveau élevé de radiation qui se produit lors de l’arrêt, des systèmes de manipulation à distance et des robots sont nécessaires, dans les processus de démantèlement.

RÉFÉRENCE

CONFÉRENCES CIEMAT. GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS. MINISTÈRE DES SCIENCES ET DE L’INNOVATION.

INSTRUCTIONS CSN.

Par Sergio Tuset

Ingénieur Chimiste

Fondateur de Condorchem Envitech. Spécialiste prestigieux en ingénierie appliquée à la gestion des eaux usées et au contrôle des émissions atmosphériques, auteur de divers brevets environnementaux et de nombreuses publications techniques.

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